À l’occasion du 5e anniversaire des Objectifs de développement durable (ODD), nous partageons des initiatives d’OSC qui contribuent de manière efficace et innovante à la réalisation de ces objectifs. Cette semaine, l’ODD 9 : Industrie, innovation et infrastructures.
Faciliter la mise en place d’une infrastructure durable et résiliente dans les pays du Sud, en renforçant l’appui financier, technologique et technique, est l’un des objectifs de l’ODD 9 consacré à l’industrie, l’innovation et l’infrastructure. Pour être durable, une infrastructure doit être capable de fonctionner de manière autonome, de minimiser son impact sur l’environnement et de créer des emplois décents.
Ces trois principes – économique, environnemental et social – sont centraux dans les actions d’Ingénieurs Sans Frontières Belgique. L’organisation belge s’est depuis longtemps spécialisée dans l’appui à l’installation d’infrastructures électriques, hydrauliques, et de gestion des déchets, en mettant en place des solutions innovantes, pérennes et adaptées à la réalité du terrain.
C’est cette expertise qui a poussé une société malgache à caractère social, Le Relais Madagascar, à faire appel à ISF pour appuyer la mise en place d’un système de gestion efficace des déchets ménagers dans la commune de Fianarantsoa, chef-lieu de la province du même nom à Madagascar. Comme beaucoup d’autres villes dans la région, Fianarantsoa a connu une explosion démographique, une croissance des activités urbaines et une extension territoriale galopante. En conséquence, elle connaît d’importants problèmes d’évacuation de ses déchets. La production de déchets ménagers dans cette ville d’environ 200.000 habitant·e·s était estimée en 2012 à entre 65 et 137 tonnes de déchets par jour.
Installer un réseau de collecte, de tri et de valorisation performant
Pour faire face à cette situation et installer un réseau de collecte, de tri et de valorisation performant, la première étape du projet mené par ISF et Le Relais a été de construire la structure administrative autour du services public. « Nos actions sont basées sur un partenariat entre le public et le privé », explique Claude Jussiant, Administrateur d’Ingénieurs Sans Frontières. « Pour ce faire, le rôle de la commune était stratégique et son implication primordiale malgré les difficultés que connaissaient la ville et le pays en terme de gouvernance. », reconnait-il. Un plan stratégique a été signé entre les parties, prévoyant la création d’un département de la gestion des déchets et l’allocation d’un budget communal. « Nous avons pu aussi compter sur un partenaire très professionnel et convaincu par le projet », précise Claude. « Le Relais est notamment spécialisé dans le tri, la réparation et la revente de vêtements de seconde main mais il développe d’autres activités dont le but est toujours de pouvoir fournir des emplois décents au plus grand nombre de personnes, notamment un atelier de couture, un soutien aux riziculteurs locaux et même la construction d’une voiture adaptée à la réalité du terrain malgache ! ».
La deuxième étape était d’organiser le système de collecte des déchets. Une cinquantaine de bacs de collecte ont été installés, qui permettent de collecter en moyenne 550 tonnes de déchets par mois. Pour ce faire, ce sont quatre équipes composées chacune d’un camion avec chauffeur et de 4 agents de collecte qui se déploient dans l’ensemble de la ville chaque jour. Une activité qui occupe environ une vingtaine de personnes, tandis qu’une vingtaine d’autres emplois ont été créés pour le service de pré-collecte. Etant donné l’urbanisation galopante et le mauvais état des routes, de nombreux quartiers sont en effet inaccessibles aux camions ou trop éloignés des bacs. Un service de pré-collecte a donc été organisé dans lequel des agents – mpanadio en malgache – collectent les déchets des ménages de ces quartiers à l’aide de brouettes aménagées pour les amener vers les bacs. Cette activité reste peu rémunératrice, mais permet aux mpanadios, issus des couches les moins favorisées de la population, de vivre. Les mpanadios assurent aussi le maintien du bon état autour des bacs ce qui leur vaut une reconnaissance par la communauté.
Un premier tri est fait au niveau des bacs, puis les déchets collectés sont amenés au centre de tri et valorisation des déchets (CTVD), qui occupe une trentaine d’employé·e·s. Le terrain a été aménagé en dehors de la ville. La principale activité du CTVD est la production de compost issu des déchets organiques : « à Fianarantsoa, près de 90% des déchets sont constitués de matières organiques biodégradables. La vente de ce compost à l’excellent rapport qualité/prix permet de financer les activités déchets du centre », explique Claude. La production et la vente de plants agricoles, cultivés grâce au compost, permettent de compléter ces rentrées financières. Le CTVD comprend aussi un centre d’enfouissement pour les déchets ultimes non valorisables. Il a été aménagé selon des normes environnementales très sévères pour l’Afrique inspirées de la législation applicable en Europe. A ce jour les lixiviats produits sont trop faibles pour donner lieu à un projet de traitement naturel.
La prévalence des déchets organiques et l’interdiction d’utiliser des sacs et sachets plastiques votée en 2014 ont rendu inutile et non rentable la mise en place d’une filière de recyclage industrielle pour le plastique et le métal. « Ces matières sont recyclées dans un circuit artisanal. Il n’y avait pas assez de plastique pour mettre en œuvre de solutions spécifiques, comme l’utilisation d’un « mixeur » ». Le « mixeur » dont parle ISF est une machine qui produit des pavés à partir de sachets plastiques, développée conjointement par ISF et des partenaires en Afrique, au Burkina Faso notamment. « Cette machine a trois grandes caractéristiques : premièrement, elle permet la production de pavés de qualité constante ; deuxièmement, elle protège les ouvriers·ères des vapeurs toxiques et leur permet de travailler dans de bonnes conditions d’hygiène ; enfin, elle est aisément reproductible grâce à un manuel technique mis librement à disposition ». Le système a ainsi déjà été utilisé au Burkina Faso, au Bénin et en RDC.
Enfin, le projet n’aurait pas pu fonctionner sans l’adhésion des habitant·e·s : il est essentiel que la population soit conscientisée à la problématique des déchets et de ses impacts sur la santé, l’environnement, … « Nous avons mené une grande campagne de sensibilisation à travers la radio, la vidéo, une présence dans les écoles, des spectacles de rue, et même une chanson interprétée par un artiste malgache reconnu ! » raconte Claude Jussiant. ISF a travaillé avec des partenaires locaux pour toucher le grand public, comme la radio locale ou un groupe de théâtre, Tsidika, spécialisé dans la sensibilisation humoristique. Des activités ciblaient aussi particulièrement les femmes. Enfin, un volet éducation environnementale a permis de réaliser un manuel expliquant les bases et les raisons de la gestion des déchets. Il a été distribué dans les écoles avec du matériel d’assainissement.
Mais c’est aussi grâce à l’efficacité de la collecte, sa quasi gratuité et l’augmentation visible de la salubrité, que le système jouit d’une grande appropriation par la population et par l’autorité publique. La simplicité des solutions techniques mises en place, la création d’un grand nombre d’emplois (plus de 120 en tout), le taux remarquable de valorisation des déchets (plus de 90%) et les rentrées financières qui en découlent, ont permis de créer une infrastructure de gestion des déchets performante, autonome et financièrement viable à Fianarantsoa, en phase avec les besoins de la population et les objectifs du développement durable.
Plus d’infos : https://www.isfbelgique.org/all-project-list/dechets-fianarantsoa/
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